Entraînement pour garder la forme

La porte du gymnase s'ouvrit avec un grincement tandis qu'un rayon de lumière faisait jaillir sur le sol les ombres démesurées des jumeaux.
Une main tâtonna quelques secondes avant de trouver l'interrupteur et d'allumer la lampe qui éclaira sensiblement le hall de sport.
Le sol était vert et parcouru de lignes de couleurs comme dans n'importe quel gymnase. Les murs étaient blancs. A chaque extrémité de la salle se dressaient deux grands panneaux de baskets tandis que des deux côtés des murs, des portes en bois marquaient les entrées des vestiaires respectifs pour les garçons et les filles.
D'un commun accord, les jumeaux allèrent se changer dans les deux vestiaires et se retrouvèrent presque simultanément sur le terrain.
Bo observa sa soeur, vêtu comme lui d'un t-shirt et d'un short blanc, elle avait noué ses cheveux châtain en une queue de cheval tandis qu'un bandeau blanc retenait ses quelques mèches folles. Ses chaussettes blanches lui arrivaient aux chevilles tandis que des baskets, blanches aussi, marchaient dans sa direction. Il la dévora du regard jusqu'a ce que ses yeux noirs rencontrent les siens. Elle sourit et il lui sourit en retour.

- Allez, on commence notre échauffement ? Lança-t-il en s'élançant sur le terrain. On essaye de courir une demi-heure sans s'arrêter, d'accord ?

Kess hocha la tête et tout deux se mirent à courir au trot autour de la salle. Une demi heure. Il fallait économiser son souffle et ses forces. Mais c'était le défi qu'ils s'étaient lancés.

Une demi-heure. Courir. Un pas après l'autre. Garder son rythme. Bien respirer. Penser à des choses agréables. Surtout ne pas penser à l'effort.
Bien vite, Kestrel sentit ses cuisses et ses mollets la tirailler. Elle se gronda elle-même. Ça faisait trop longtemps qu'elle n'avait plus fait de sport. Mais courir lui faisait du bien, elle sentait peu à peu la douleur dans ses muscles, qu'ils se réveillaient. Sa queue de cheval battait ses épaules au rythme de ses pas. Devant elle, son frère courait, à peu près au même rythme. Elle voyait ses mollets se durcir et se relâcher au fur et à mesure de ses pas. Son souffle calqué sur le sien. Elle pouvait presque entendre leurs coeur battre en cadence. Elle voyait ses poings serrés, ses épaules et ses muscles jouer au moindre de ses mouvements.
Elle jeta un coup d'oeil rapide au chronomètre et s'aperçut avec stupéfaction qu'ils avaient déjà fait la moitié du temps. Cela faisait quinze minutes qu'ils couraient et elle ne sentait presque plus la douleur de ses jambes.
Une mèche échappant au bandeau lui frôla la joue, d'un geste mécanique, elle la remit en place et continua à courir, ses yeux fixés sur son frère qui ne disait rien et courait devant.
Respirer calmement, ne pas prendre trop d'air à la fois. Bien rester dans la cadence. Un pas après l'autre. Ne pas accélérer, ne pas ralentir. Surtout, garder le rythme.
Un deuxième coup d'oeil au chronomètre. Encore cinq minutes. Kestrel se demanda si elle pourrait faire plus qu'une demi-heure. Elle s'en sentait capable mais savait très bien que en cinq minutes, tout pouvait se dérégler. Il suffisait juste qu'elle accélère un tout petit peu où qu'elle respire une fois mal et tout serait fichu. Non. Garder le rythme.
Toujours rien de la part de son frère qu'elle voyait avancer quelques mètres devant elle. Deux minutes. Garder le rythme. Ils en étaient à leur cinquantième tour. Jamais elle n'aurait cru qu'elle réussisse. Une minute. Toujours aucun signe de fatigue. Ni de sa part ni de celle de Bowman. Trente secondes. Continuer ou s'arrêter ? Dix secondes. Cinq. Une demi-heure. Ils en étaient arrivés à une demi-heure. Et toujours rien. Elle l'avertit mentalement et trouva son frère stupéfait. Il n'avait pas vu le temps passer et n'était pas fatigué. Ils décidèrent donc de continuer.

Déjà une demi-heure ! Bowman était stupéfait que le temps soit passé si vite ! Et il n'était même pas fatigué !
Les jumeaux continuèrent donc à courir autour du terrain. Leurs souffles cadencés résonnaient légèrement dans la grande salle. Le jeune homme fit rapidement le tour de la pièce des yeux et repéra au fond une petite porte. Il devait s’agir de la réserve de matériel. Ils pourraient s’exercer au basket.
Il fit mentalement part de cette proposition à sa sœur qui accepta. Tous deux s’arrêtèrent. Ils allèrent s’appuyer contre le mur un instant pour reprendre leur souffle. Le sang battait à ses tempes et il était prit de vertige. Des rigoles de sueur coulaient sur son front. D’un revers de la manche, il s’essuya la figure. Son cœur s’était emballé et cognait à tout va dans sa poitrine tandis que ses poumons réclamaient désespérément un peu plus d’air.
Il respira profondément et sentit que ses vertiges passaient. Il se redressa et, suivi de Kess, alla au fond de la salle. Il actionna la poignée mais celle-ci était verrouillée. Pestant, il demanda à Kess si elle pouvait créer un ballon de basket, ce qu’elle fit.

Kess mit ses mains en coupe et ferma les yeux. Laissant on pouvoir prendre le dessus. Elle imagina une balle de basket. Ronde, orange, bien rebondissante... elle rectifia une courbe, intensifia la couleur... on aurait dit qu’elle dessinait la balle. Qu’elle la dessinait dans son esprit. Lorsqu’elle la jugea satisfaisante, elle la fit basculer dans la réalité. Elle ouvrit les yeux et se trouva avec une balle ronde, orange, un poids idéal, des courbes parfaites, elle la savait parfaitement rebondissante.
D’un mouvement souple du poignet, elle la jeta à terre. La balle rebondit avec un petit bruit sourd et revint se loger dans ses mains.
Kestrel regarda Bowman et lui sourit avant de lui lancer la balle, celui-ci fut surpris mais l’attrapa au vol.

- Joli réflexe, le taquina-t-elle. On commence ?

Et sans attendre de réponse, elle feinta sur le côté, lui arracha la balle des mains, fit passer le ballon dans son dos, le reprit au ras du parquet avant de pivoter pour bloquer de l’épaule de Bowman.
Son frère tenta de franchir le barrage Kess se baissa, l’esquiva sans peine et se dégagea. Elle se déplaçait avec une rapidité sidérante, le ballon collant à sa main comme s’il était un prolongement de son corps. Elle dribbla jusqu’au panier près de la porte d’entré, sauta et marqua.
Le ballon tomba au centre du filet, fit quelque bond en solitaire avant d’être rattrapé par Bowman.

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